"On ne sort de l'ambiguïté qu'àson détriment", théorisait François Mitterrand. Le candidat béarnais en a bien conscience, et pour lui, les prochaines semaines risquent fort d'être cruciales. Certes, avec 18,5% des voix, un niveau inespéré en début de campagne, François Bayrou a triplé son score de 2002, mais quels bénéfices politiques va-t-il réellement en tirer ? "Nous ne sommes pas làpour faire un score, nous sommes làpour gagner : car sinon ils rebâtiront leur forteresse, et tout recommencera comme avant. Il faut leur arracher le pouvoir et leur offrir une bonne douche froide pour qu'ils fassent aussi leur révolution culturelle. Nous sommes làpour remplacer leur sectarisme par l'ouverture d'esprit, leur monarchie par notre démocratie", scandait encore le leader de l'UDF àBercy voilàquelques jours. Et aujourd'hui, d'afficher un grand sourire de façade...Pourtant, l'homme se retrouve au pied du mur àl'issue de ce premier tour de scrutin. Ses deux adversaires, tout àla tâche de "rassembler", avec des "réservoirs" de voix plutôt àsec, vont devoir courtiser un électorat mouvant et hétéroclite que le candidat UDF ne maîtrise pas, quoi qu'il en laisse penser publiquement. Et quid de sa consigne de vote pour le 6 mai ? Ce n'est rien de dire que le numéro d'équilibrisme politique va être périlleux. Se taire, c'est handicaper sérieusement sa campagne pour les législatives : or la clé de son avenir d'ici à2012 repose sur la constitution d'un groupe parlementaire àl'Assemblée (cela permet de poser des "questions au gouvernement", d'avoir des bureaux, etc.) Et les quelque trente actuels députés centristes savent bien qu'ils doivent leur élection grâce àdes alliances avec l'UMP...Mais comment diable appeler àvoter Nicolas Sarkozy après avoir stigmatisé la "dureté" du projet de société du candidat UMP et ironisé sur ses déclarations sur le kärcher et "ses moutons dans la baignoire" ?
"Ni gourde, ni gourdin"Quelle que soit l'attitude de François Bayrou, il décevra une partie de ses électeurs. Ceux-ci sont en effet très partagés sur la stratégie àsuivre en vue du 6 mai. Une première enquête BVA montre que 35 % d'entre eux souhaitent qu'il appelle àvoter pour Ségolène Royal, 25 % pour M. Sarkozy et 35 % qu'il ne donne pas de consigne de vote, comme l'illustrait le très fin "Ni gourde, ni gourdin" scandé hier par les militants au QG de campagne. En tous cas, l'arithmétique parle d'elle-même pour l'heure : ni Ségolène Royal ni Nicolas Sarkozy ne peuvent gagner sans se rallier un maximum des sept millions d'électeurs centristes. Comment vont s'effectuer les reports de voix ? Selon un sondage de la Sofres daté du 18 avril, 35 % voteraient UMP, 47 % glisseraient dans l'urne un bulletin socialiste et 18% sont encore indécis. Mais l'éventualité d'un durcissement de la campagne, avec le référendum "Tout sauf Sarko" qui se profile, pourrait amplifier les ralliements àgauche au sein de son électorat, ou la proportion de votes blancs, comme le montrent les premiers témoignages d'électeurs sur internet. En fait, il est fort àparier que les tractations se déroulent en coulisses entre seconds couteaux, ou au niveau local pour les législatives, àl'insu du président de l'UDF lui-même. Si ce dernier a d'ores et déjàannoncé la tenue d'une conférence de presse mercredi, il restera certainement drapé dans le silence quant àl'attitude àadopter pour le scrutin du second tour, sur une ligne consensuelle "je laisse mes électeurs libres". Pour les deux principaux partis, la consigne est donc claire : ne plus s'occuper de Bayrou, mais de ses élus et de ses sympathisants, et faire campagne sur les thèmes du centre. Hollande conseille àson épouse d'envoyer "des messages" aux bayrouistes, "sur le fond, la proportionnelle, l'Europe, la décentralisation" et d'être "très écologiste". Sarkozy veut "rassembler autour d'un nouveau rêve" et "protéger" les Français "fragiles et vulnérables", "moraliser" l'économie...Pourtant, s'il a réussi àimposer ses thématiques dans cette campagne, àquel point croire François Bayrou lorsqu'il affirme que "la politique française a changé et ne sera plus jamais comme avant" alors que l'on assiste àun retour de la bipolarisation PS/UMP ? Troisième homme, (et l'on a vu par le passé comme la médaille de bronze avait porté malheur àmoults candidats), sa dynamique de campagne est aujourd'hui arrêtée. Or tout l'enjeu pour le candidat UDF est maintenant de maintenir l'élan jusqu'aux législatives, alors que sa base est des plus volatiles et que le scrutin majoritaire donne techniquement une prime aux grands partis, pour ne pas donner raison àSimone Veil, qui glissait, perfide, il y a encore quelques semaines : "M. Bayrou ne représente que lui-même".
- "Le candidat centriste face au dilemme des consignes de vote" (Le Figaro)
- "Quelle stratégie pour l'UDF au second tour ?" (Chat avec un journaliste du Monde)
- "Bayrou au centre des discussions" (Libération)
- "Les lieutenants de Nicolas Sarkozy vont àla pêche aux voix de François Bayrou" (Nouvel Obs)
- "Royal doit appeler au ralliement des centristes" (Analyse vidéo d'une journaliste du Figaro)
- "Les militants seraient très déçus que Bayrou prenne positon pour Royal ou Sarkozy" (Reportage audio La Croix)
- "Jean-Louis Borloo souhaite des ministres UDF au gouvernement" (Le Point)
- "Electeurs de François Bayrou : pour qui voterz-vous au second tour ?" (Témoignages sur Le Monde.fr)
- "François Bayrou : les paradoxes d'une élimination" (L'Express)
- Toutes les dépêches sur François Bayrou (Yahoo actualités)
- Le site de campagne du leader centriste





