En 2002, le mot n'était pas lâché. Vote PS, vote "utile", le mot était trop blessant pour les anciens alliés de la gauche plurielle. "Le 21 avril, c'est le premier tour d'une élection présidentielle et non d'une élection préférentielle. Il s'agit collectivement de choisir le prochain chef de l'Etat", martelait pourtant François Hollande, évoquant alors 1936, 1981 et opposant la "gauche réelle, celle qui accepte les responsabilités politiques" et la "gauche protestataire". Aujourd'hui, pour la première fois la candidate PS ose l'adjectif, inquiète de perdre avec les votes àl'extrême-gauche quelques précieuses voix, et surtout soucieuse de la "stratégie" de ses sympathisants le 22 avril. Car le choix des électeurs de gauche entre un vote utile "stratégique" et "identitaire", de conviction, pourrait faire basculer le premier tour. Mais pour compliquer encore la donne, il existe une dernière alternative : vote stratégique "positif" (vote d'adhésion PS) ou vote stratégique "négatif" (vote pour le mieux placé pour battre Sarkozy). "J'appelle àun vote utile, positif. Pour que les Français disent : c'est bien, on est content, on a une super présidente de la République qui va redonner de la fierté àla France, qui va régler les problèmes, qui a des valeurs fondamentales auxquelles elle croit depuis toujours", a notamment expliqué Ségolène Royal dans la presse, appelant les Français àvenir voter massivement, et àglisser dans l'urne un bulletin "d'audace". "Moi, je suis une promesse d'audace sécurisée", a tenu àassurer la candidate. Certes, par définition, le vote utile est dans les systèmes politiques dominés par deux grands partis, la tendance des électeurs àvoter pour l'un ou l'autre, plutôt que pour un candidat dont il se sentent plus proches mais n'ayant aucune chance d'accéder àl'Elysée. Mais les autres candidats ne l'entendent pas ainsi, quitte àbrouiller sérieusement cette définition originelle.
Le "méchant" et la "princesse"Pour les "petits" de la gauche radicale, le slogan socialiste fleure l'hypocrisie, persuadés qu'ils sont de la présence de Ségolène Royal au second tour. "On est en permanence en train d'organiser une dramaturgie (...), on sait bien ce qui va se passer: la mise en scène, ça va être de faire monter le méchant (Le Pen NDLR) et on aura tous peur que la princesse se fasse voler le magot", s'indigne Dominique Voynet, légitimant sa présence dans l'élection en expliquant que "l'écologie sans les écologistes n'existe tout simplement pas". Les partisans de Bové qualifient cet appel au vote utile d'OPA sur l'électorat et présentent le vote pour leur candidat de "vote de conviction" quand le bulletin socialiste ne serait que par "défaut" pour la gauche. Côté communiste, Marie-George Buffet se réapproprie l'adjectif, en estimant que ce vote est "populaire et antilibéral". "Si chacun vote pour ce qu'il veut, c'est toute la gauche qui sera renforcée, le vote utile c'est celui que vous pensez le meilleur pour résoudre vos problèmes, c'est celui d'une gauche bien décidée àne jamais baisser la tête face àla droite" a-t-elle indiqué en meeting voilàquelques jours. Pour Olivier Besancenot, voter utile c'est "voter avec ses tripes" : "il n'y a pas de honte d'utiliser un scrutin électoral pour dire qu'on en a ras-le-bol". Certes, mais si un éparpillement des voix empêche Ségolène Royal d'être au second tour, la gauche radicale ne pourra même pas influer sur la politique socialiste au gouvernement...! Et tous les "petits", inquiets qu'àchacun de leurs meetings des électeurs (même chez Arlette) viennent "s'excuser" de voter PS pour ne pas réitérer le 21 avril, de stigmatiser la "droitisation" de Royal et de cogner en priorité sur la candidate...
Pas de surprise ?Et si la surprise le 22 avril, c'est qu'il n'y ait pas de surprise, àla différence des autres présidentielles ? Que l'on se retrouve avec un classique second tour PS/UMP ? Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal se recentrent ces derniers jours sur leur électorat, et travaillent àmobiliser leur camp : le premier fait le plein des voix àl'UMP et capte près de 30 % des électeurs FN (qui semblent pour certains céder aussi au 'vote utile', conscients que Le Pen ne sera jamais élu). Les dernières enquêtes sont plutôt positives pour Ségolène Royal, qui maintient son écart avec le candidat UDF, dans tous les sondages : dans Libération mercredi, 77% des sympathisants de gauche jugent d'ailleurs que l’absence de la gauche le 6 mai serait un "événement grave". "On joue le premier tour au maximum, a commenté le président de l'UMP, comme un entraîneur de football àla veille d'un match capital. Il faut rester concentrés, ne pas avoir peur, ne pas céder àl'exaltation." Car les deux principaux candidats le savent, si l'essentiel est pour l'heure la qualification, l'importance de leur score de premier tour devrait déterminer le ton des deux semaines suivantes. Car le 22 avril commencera une autre campagne, un "match" qui pourrait se transformer en référendum pour ou contre Nicolas Sarkozy. Et le candidat, qui s'inquiète en coulisse "de faire trop peur" n'oublie pas qu'àregarder les précédents scrutins présidentiels depuis 1974, le premier qualifié n'a pas forcément remporté l'élection...
- "Madame Royal cherche àassurer un second tour contre Nicolas Sarkozy" (Le Monde)
- "Hollande appelle les gauches àvoter utile" (Libération)
- "Appels au vote utile : Voynet ironise sur la 'princesse' menacée par le 'méchant'" (20minutes)
- "Nicolas Sarkozy s'est mis àdos une partie de l'électorat de François Bayrou" (Interview S. Rozès dans le Nouvel Obs)
- "Bayrou se réjouit qu'un 'mur de Berlin se fissure'" (Le Figaro)
- "Laguiller contre le vote utile" (Marianne)
- "Votes utiles" (Blog du journaliste Eric Dupin)
- "Nicolas Sarkozy a peur de faire trop peur" (Libération)
- "Ségolène Royal appelle au vote utile positif" (L'Express)
- "Vote utile...identitaire ou stratégique" (Blog d'analystes des sondages)
- Toutes les statistiques des élections présidentielles depuis 1965 (Votes, abstentions, résultats)
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packy
a dit à
dimanche 22 avril 2007
Galwin
a dit à
lundi 30 avril 2007