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vendredi 13 avril 2007
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SPECTRE DES URNES

Dimanche 22 avril. 20h01 : les rotatives se mettent en branle pour imprimer les 10 millions de tracts électoraux de Jean-Marie Le Pen, alors qualifié au second tour contre Nicolas Sarkozy. Extrapolation saugrenue ou scénario plausible ? Le duel est en tous cas envisagé par les sondeurs et les RG et nourrit les inquiétudes des militants.

Autorisons-nous un peu de politique-fiction, sans considérer les estimations actuelles des instituts de sondage, dont tout le monde s'accorde à dire qu'elles sont certainement en-deçà de la réalité (Le Pen est donné aujourd'hui à 13% environ, comme le 16 avril 2002, alors qu'il réalisait 16,86% le 21). Quel pourrait être le score maximal du leader FN au premier tour dimanche 22 avril ? Il convient de raisonner en valeurs absolues et de se mettre tout d'abord dans la configuration de 2002, puisque c'est lors de cette élection qu'il a rencontré le contexte électoral le plus favorable. Tablons donc un taux d'abstention de 30%, comme le 21 avril (hypothèse vraiment haute, vu que pour les autres présidentielles, 1995, 1988, 1981, etc, il était autour, voire en-dessous de 20%). 30% d'absention cela représente donc environ 31 millions de votants sur les 44 millions d'inscrits (nouveaux électeurs inclus). Et si l'on considère que Le Pen ne perdra aucune des 5 500 000 voix du "noyau dur" de ses électeurs (ceux qui ont voté pour lui le 5 mai 2002, malgré le battage médiatique sans précédent et les appels de tous camps au vote Chirac), il réaliserait ainsi un score de 18 %. Est-il raisonnable d'envisager que ni Ségolène Royal ni François Bayou n'arrivent à dépasser ce score ? Rappelons que les Français sont beaucoup plus intéressés par cette présidentielle qu'il y a 5 ans, et la baisse de l'abstention, qui est très probable, jouerait en la défaveur des extrêmes.

Qui y croit ?

A la différence de 2002 où la campagne de second tour avait été un peu bricolée dans l'urgence, l'équipe de campagne FN envisage très sérieusement de réitérer l'exploit et a préparé en conséquence le matériel nécessaire. Son QG a donc préparé un scénario pour chacun des duellistes possibles (Sarkozy, Royal, Bayrou), et à 20h01, dimanche 22 avril, 47 millions de professions de foi, 10 millions de tracts et 350 000 affiches commenceront à être imprimés, selon l'identité du premier qualifié. Et son camp n'est pas le seul à l'envisager...Récemment, les instituts de sondage ont commencé à inclure dans les duels de second tour le leader frontiste, le plus souvent opposé à Nicolas Sarkozy, favori depuis de longues semaines des enquêtes d'opinion. Et depuis quelques semaines, si les médias évoquaient simplement une montée du FN sans parler de second tour Sarko/Le Pen, les militants et internautes en débattaient déjà activement dans les forums, inquiets du tassement des intentions de vote en faveur de Ségolène Royal et François Bayrou. De plus, depuis quelques jours, un texte intitulé "L'heure est grave" est largement relayé par mail et de blog en blog, sur la base de chiffres prétendument tirés d'une "enquête approfondie du Cevipof". Et bien que l'institut de recherches politiques ait depuis démenti et donné les véritables chiffres de ses études, la rumeur continue d'enfler sur internet. Enfin, plus sérieusement peut-être, une enquête confidentielle des Renseignements généraux baptisée "Mercure" et effectuée sur un échantillon de 15.000 personnes, donne Nicolas Sarkozy en tête, Ségolène Royal éliminée, et François Bayrou et Jean-Marie Le Pen au coude à coude, avec une "conjoncture positive" pour ce dernier. Cette étude officieuse, dont l’existence a été qualifiée de "fantaisiste" depuis par les intéressés, a néanmoins été relayée par le Nouvel Observateur et les agences de presse.

Pas de tsunami

Dans les QG de gauche, qui démentent les rumeurs sur internet, l'inquiétude gagne pourtant. La candidate communiste, Marie-George Buffet se préoccupe de la "droitisation" de l'élection, tandis que les socialistes multiplient les références au vote utile (consigne qui pourrait aujourd'hui fonctionner avec ce "sondage" des RG) et que leur candidate en appelle "à toute la gauche et au-delà". Car la présence de Jean-Marie Le Pen ne marquerait sans doute pas le "tsunami" de voix qu'il évoque régulièrement, mais plus la désaffection de l'électorat de gauche pour la candidate socialiste ou le revirement d'électeurs indécis ayant annoncé dans un premier temps aux sondeurs avoir choisi le candidat UDF. Car les résultats des précédentes élections montrent que Le Pen gagne certes des voix à chaque élection depuis 1988, mais tout au plus 200 à 300 000 entre chaque premier tour. En 2002, le "séisme" était une claque des électeurs aux grands partis plus qu’une victoire du candidat FN : il n’avait gagné "que" 234 000 voix environ entre le premier tour de 1995 et celui de 2002, quand la droite parlementaire (RPR, UDF, DL) en a perdu 4 millions. Pour la gauche parlementaire (PS, PRG, Verts et PC) c’est une perte de 3 millions de voix en sept ans ! Mais si un duel Sarkozy-Le Pen devait effectivement avoir lieu, le candidat UMP serait certes élu le 6 mai, mais certainement pas avec le score de Jacques Chirac, que d'aucuns de ses détracteurs avaient qualifié de "république bananière", tant le TSS (Tous sauf Sarkozy) anime une large frange des militants de gauche. Et François Bayrou, s'il ratait de très peu la deuxième marche du podium (les RG parlent de "coude à coude" avec Le Pen), voterait-il alors pour son adversaire UMP alors qu'il avait écarté cette hypothèse en cas de duel avec Royal ? Certainement, si l'on se souvient qu'il citait Aragon au second tour en 2002 pour appeler au vote Chirac contre l’extrême-droite : "Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat, fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat". Et rapidement oublier la poésie pour se lancer dans la bataille législative, clé de sa survie politique, d'ici à 2012.