"Ne réduisez pas Ségolène Royal àson statut de femme, elle mérite mieux que cela". Le compliment venait de...Nicolas Sarkozy, en novembre dernier sur un plateau de télévision. Certes. Mais la candidate a choisi elle-même de "sexualiser" la campagne en mettant constamment sa féminité en avant, comme elle vient ànouveau de le faire àSciences-Po, lors du forum organisé par le magazine Elle. Et quelles sont les premières phrases de son clip de campagne officiel ? "Je suis une femme et une mère de quatre enfants". L'on ne débattra pas ici de la pertinence d'un tel argument, que d'aucuns pourraient trouver très légitime, et efficace politiquement, lorsque l'on se penche sur les motivations du vote des Françaises notamment. Et il faut admettre que la candidate a eu beau jeu de miser sur cet atout, qui a pu sans doute lui faire gagner des points dans la bataille pour remporter la primaire socialiste fin 2006. Mais en sexualisant ainsi l'enjeu, Ségolène Royal prend aussi un grand risque quant au poids des femmes dans le paysage politique français. Il est certes évident qu'élue, ce serait une véritable petite révolution culturelle en France. Mais si, pour envisager le pire scénario pour le PS, la candidate était éliminée au premier tour, ce serait certainement une stagnation de plusieurs années pour le combat paritaire et l'accession des femmes aux plus hautes responsabilités. Car aussi absurdement que l'on a pu lui intenter un procès en incompétence en raison de ses chromosomes sexuels, la même critique inepte pourrait ressurgir en cas d'échec patent. Et l'équation candidate=risque s'instiller encore durablement dans les cerveaux des responsables de partis au moment des investitures législatives (on rappelle qu'en 2005 l'UMP a payé plus de 4 millions d'euros d'amende, et le PS près 1,5 million pour non-repect de la loi sur la parité, et que la France compte encore moins de députées que...l'Iran, par exemple).
"Meilleure au lit qu'au ministère"Quel que soit le score de la candidate, on peut néanmoins tenir pour acquis que l'investiture d'une femme par un grand parti àla présidentielle aura tout de même levé un tabou et contribué àfaire évoluer les mentalités. Car Ségolène Royal a beau souligner ces derniers jours qu'elle a enduré dans cette campagne ce qu'aucun homme n'aurait enduré, on peut rester dubitatif, au vu de la faiblesse des attaques dont elle a été victime finalement...Certes, on aurait pu s'attendre en début de course élyséenne, àune surenchère de propos sexistes, vu le ton des premières critiques. Le "qui va garder les enfants ?" de Fabius, DSK conseillant àla candidate "de rester chez elle au lieu de lire ses fiches cuisine", ou encore la menace d'Emmanuelli de "mettre une balle de plus dans son fusil de chasse". Mais depuis, juste un petit "Bécassine" par-ci par-là...Car il faut se souvenir de la violence des insultes qu'ont connu les femmes politiques par le passé et jusqu'au début des années 2000. Le classieux "enlève ton slip, salope" assené par les paysans àDominique Voynet au Salon de l'Agriculture. Les "putain" et "3615 Tonton" tagués sur les affiches d'Elisabeth Guigou àAvignon, qui lui ont donné un temps, la tentation de quitter la politique. Et surtout, rappellons-nous du véritable lynchage qu'avait enduré Edith Cresson, en accédant en 1991 àMatignon, la plus haute fonction exercée àce jour par une femme. Les "On t'espère meilleure au lit qu'au ministère". Les députés la traitant de Pompadour. Ou encore le Bêbête Show montrant une marionnette en chaleur, se frottant àMitterrand, qui répliquait "rebouche ton trou et fous-nous la paix" ou "la greluche je la viole"...
"Madame la Présidente of France"Pas de "cressonisation" donc, et l'on a du mal àsaisir l'intérêt de la pétition "Un million de femmes s'énervent" lancée voici quelques jours sur internet (et on est loin du million, avec près de 8000 signatures de stars et d'anonymes). Il est par ailleurs intéressant de constater que c'est aujourd'hui du côté de l'étranger que l'hypothèse de l'élection de Ségolène Royal, "Madame la Présidente of France", semble le plus enthousiasmer. Ainsi, une éditorialiste du quotidien The Guardian se prend par exemple àrêver d'un sommet du G8 en 2009 avec une brochette de chefs d'Etat en jupons : Ségolène, Hillary Clinton, Angela Merkel...et rappelle que l'élection de Michelle Bachelet au Chili et Mary Robinson en Irlande ont redynamisé ces pays. Mais si la journaliste britannique trouve "fascinant" qu'Hillary ou notre candidate innovent en plaçant leur féminité et leur "maternité" au centre de la campagne (àla différence de Merkel et de Margaret Thatcher (!) pourrait-on rajouter), elle trouve aussi cette "audace àhaut risque", tout autant atout qu'handicap potentiel : "si leurs candidatures amènent àl'élection de la droite dure, leurs échecs resteront longtemps dans les mémoires" de femmes hésitant àse lancer en politique. Et cette perspective donne, àquelques jours du premier tour, un nouvel écho aux propos de la candidate socialiste lorsqu'elle déclare aux Français :"Tout dépend de moi".
- "Ségolène Royal réaffirme que le temps des femmes est venu" (Reuters)
- "Ségolène Royal au forum Elle àSciences-Po" (Vidéo Le Monde.fr)
- "Ségolène Royal, le risque salutaire" (Tribune dans Libération)
- "Les candidats s'expriment sur la condition féminine" (Nouvel Obs)
- "Failure for these women could haunt a generation of female politicians" (The Guardian)
- "Is a Royal coronation right for the French ?" (Times on line)
- "Bécassine contre Vidocq, le cauchemar d'aujourd'hui" (Big Bang Blog)
- "Les femmes et l'élection présidentielle" (Enquête CEVIPOF)
- Clip de campagne officiel de la candidate socialiste (Daily motion)
- "Forum : ce que veulent les femmes" (Magazine Elle)
- Toute l'actualité sur la parité (Dossier Yahoo actualités)






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mercredi 11 avril 2007
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jeudi 12 avril 2007